La voie de l'ennemi
Tony Hillerman
Leaphorn rit et la chouette qui effectuait un second voyage au-dessus de la mesa fut prise de panique en l’entendant. Elle passa à sa hauteur et disparut dans les ténèbres.
Rien ne cadrait. Tout était irrationnel. Mais pourquoi cette impression de temps qui presse, de danger ? (page 169)
Dans la voie de l'ennemi, Tony Hillerman nous raconte une enquête de police de la police tribale de la réserve Navajo des "Four corners". Il nous présente ainsi toute la mythologie, les modes de vie et la culture de ces indiens. C’est à la fois très intéressant et enrichissant et à la fois difficile à appréhender quand on découvre complètement. Les notes des traducteurs sont très riches, mais le récit est alourdi par toutes ces références qu’il faut aller lire pour comprendre les subtilités de la culture Navajo.
Par exemple, les dialogues sont vraiment très intéressants. Les Navajos sont réputés pour être très patients, les conversations sont donc entrecoupées de grand blanc et de très peu de questionnement. Je ne résiste pas à l’envie de vous présenter un petit extrait :
« - Une nuit, il y a quelqu’un qui l’a vu, déclara la vieille femme.
Elle avait parlé très lentement, pesant les mots qu’elle allait dire et jusqu’où elle allait aller :
- Les sorciers sortent surtout quand il y a la lune et elle y était cette nuit là. Cet homme s’est réveillé dans la nuit, il a entendu un coyote chanter et il est allé voir pour ses agneaux qu’il avait parqués là-bas, et il a vu le sorcier à cet endroit-là au clair de lune. […]
McKee se préparait à demander le nom du dormeur mais décida de n’en rien faire […]
- Mais comment cet homme a-t-il su que c’était un sorcier qu’il voyait ? s’enquit-il. […]
Pendant un long moment, McKee pensa qu’elle allait faire semblant de ne pas avoir entendu. Il laissa sa question en suspens dans le lourd silence. »
Fait assez étrange (et que j’ai rarement vu dans les romans), le personnage qu’on nous décrit comme principal (Joe Leaphorn, le policier chargé de l’enquête) est presque complètement absent. On ne le découvre et le suit que dans deux ou trois chapitres seulement. Au contraire, l’action est centrée sur un homme blanc, professeur d’université qui vient enquêter sur les évènements de sorcellerie qui surviennent dans la réserve.
J’ai parfois vraiment eu l’impression de lire un roman d’horreur plutôt qu’un policier. Le contexte de sorcellerie des Navajos associé à la traque du personnage central et à sa lutte pour survivre nous plonge dans une ambiance inquiétante et haletante.
Dans ce livre rien n’est inutile. Chaque conversation, chaque personnage, chaque action a son importance dans le dénouement de l’intrigue. A la fin, tout se recoupe et se rejoint.
Je dirais que c’est à la fois intéressant parce que l’on sent que l’intrigue de Tony Hillerman est très bien construite. Et en même temps, c’est presque dommage qu’il n’ait pas essayé de nous perdre en route, de nous conduire sur des fausses pistes.
En bref, j’ai beaucoup aimé cette immersion dans la culture Navajo, mais l’intrigue est peut être un peu trop expéditive quoique très bien travaillée. Ce premier roman, nous laisse présager de très bonnes aventures à venir…
Vous devriez aimer :
- Si vous aimé les policiers aux intrigues bien ficelées.
- Si vous souhaitez découvrir la culture Navajo.
Vous n’aimerez surement pas :
- Si vous n’aimez pas les romans un peu expéditifs.